Fortunes et perditions, avec Serre l’écoute.

Vol. 10, no. 3, Hiver 2007

par DESCHÊNES Donald

Depuis sa formation au début des années 2000, Serre l’Écoute a vite acquis une renommée enviable. Rappelons qu’il est composé de trois membres imminents de la communauté folklorique québécoise : l’ethnologue et animateur Robert Bouthillier, sa fille la jeune interprète Gabrielle Bouthillier, de même que la musicienne polyvalente Liette Remon : chanteuse, violoniste, violoneuse, clarinettiste. Ainsi, nous ne pouvons qu’être curieux et attentifs à ce qu’ils nous livrent. Si leur premier disque en 2002 traitait de la mer — Chansons des bords du Saint-Laurent  —, le répertoire ici présenté a pour principal thème la destinée dans ses différentes déclinaisons, thème à la fois riche et évocateur.

Le répertoire proposé à l’auditeur provient principalement de la très riche collection Bouthillier-Labrie, des collectes plus récentes de Robert et de Gabrielle, de même que de recueils de Marius Barbeau. Leur très bonne connaissance du répertoire traditionnel, de même que leur flaire sûr, font que nous avons là, sur ce disque, rassemblées, une quinzaine de chansons qui explorent les sentiers les moins fréquentés des répertoires tant québécois, acadien que français. Il s’agit d’une œuvre qui, par sa rigueur et sa forme, est proche du document ethnographique.

Dépouillés, les arrangements font à la fois preuve de réserve et d’audace, de contemporanéité tout en puisant aux sources même de ces chansons, tantôt a capella, tantôt soutenues par un ou deux instruments. Le groupe n’hésite pas à flirter avec d’autres styles musicaux, tel le blues, sans toutefois rien perdre de l’authenticité des pièces. Deux complaintes font l’objet d’arrangements vocaux élaborés. C’est souvent la surprise et l’inattendu, une force d’évocation remarquable.

Ce disque démontre qu’il est possible d’être rigoureux sans pour autant privé l’auditeur du plaisir d’une écoute sans cesse renouvelée. À mon avis, ce disque, avec le précédent ci-haut mentionné, est à la fois la production la plus classique et peut-être la plus innovatrice des dernières années, qui se démarque.

Enfin, je ne voudrais pas passer sous silence l’extraordinaire travail d’illustrations à l’acrylique de l’album de Vivian Labrie, lesquelles participent à l’esthétique de cette belle production.

Comme le peintre Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté qui a si bien su, par sa peinture, donner vie à la neige, à l’eau, à la lumière, nous sensibiliser à la grandeur des choses, les disques de Serre l’Écoute nous élèvent vers une lumière qu’ils savent rendre palpable, magique. À quand le prochain disque, les prochains disques sur les chansons à boire, les chansons de table et de ripaille, les complaintes religieuses ? Il y a là le début d’une formidable anthologie.

Serre l’Écoute a publié un premier album en 2002, Chansons des bords du Saint-Laurent, consacré aux chansons à thème maritime. Plus d’infos à www.serrelecoute.com.



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