En mémoire d’un grand folkloriste  : Michel Saint-Louis

Vol. 9, no. 3, Printemps 2006

par LESSARD Denis

Michel Saint-Louis nous a quittés le 2 janvier 2005 au Centre hospitalier de Lanaudière (Joliette) suite à un cancer. Il fut exposé le mercredi 5 janvier dernier au Salon Tomasso et Giguère, dans l’Est de Montréal.

Michel fut une figure marquante de la danse traditionnelle. En 1959 il se joint à la troupe Les Amis de Saint-Louis (dans la Paroisse Saint-Louis-de-France, à Montréal), il a alors 17 ans et désire ardemment apprendre la danse folklorique. Dès ce moment, il fait preuve d’une excellente dextérité et d’une solide capacité d’apprentissage. Il devient rapidement un leader autant chez les danseurs débutants que parmi les plus expérimentés. On fait de plus en plus appel à ses talents pour former des nouveaux danseurs et pour se produire lors de démonstrations devant public.

En 1962, il fait son entrée chez les Feux-Follets. À cette époque, il était fréquent de voir des membres de troupes de paroisses montréalaises se joindre à cet ensemble dont le prestige ne cessait d’augmenter. C’était particulièrement notoire chez Les Amis de Saint-Louis, groupe considéré souvent par les folkloristes comme le « club ferme » (recrue) des Feux-Follets. Michel suivait donc la tradition. Rapidement, grâce à ses talents de danseur et de leader, il se voit confier la direction de la section 2 (les nouveaus danseurs)des Feux-Follets. Il prendra alors la relève de Guy Thomas qui venait de quitter la troupe. Plus tard, au sein de la troupe professionnelle, il assumera la fonction de chorégraphe et de directeur artistique adjoint. Il sera encore une fois responsable du matériel que Guy Thomas avait livré à la « section canadienne » lors des années amateur des Feux-Follets. De plus, il enseignera la gigue et poursuivra son perfectionnement dans cette discipline avec Don Gilchrist quand ce dernier fera partie de la troupe professionnelle.
Alors qu’il quitte les Feux-Follets en 1968, Michel sent de plus en plus le besoin de cueillette de matériel. Il élabore alors un programme détaillé de travail : inventaire des régions clefs ainsi que les personnes-ressources pouvant établir des contacts avec d’éventuels informateurs sur le terrain ; liste exhaustive des chercheurs ; inventaire du matériel déjà collecté etc. Bref, il veut mettre sur pied une véritable équipe de recherches dont il prévoit le rôle de chaque membre et les responsabilités liées à la recherche. Il dresse même une liste de danses classées par régions et accompagnée chacune du nom de la personne qui a recueilli chacune d’entre elles. Il réalisera lui-même plusieurs collectes de danse dans Lotbinière, aux Iles-de-la-Madeleine et au Saguenay

Durant la même période, Michel créera, avec la collaboration de Pierre D’Aragon et Denis Lessard, les Ateliers de danse ethnique, un organisme qui avait pour objectif d’organiser des ateliers de danse ouverts au grand public. On y invitait des professeurs spécialisés du Canada et des États-Unis, (Dennis Boxell, Andor Csompo, Csaba Pàlfi, Yves Moreau etc.) Ces ateliers se tenaient dans une salle du presbytère de la paroisse St-Jacques, rue Ste-Catherine à Montréal, (aujourd’hui site de l’UQAM). Michel profitera de cette période particulièrement effervescente pour mettre sur pied la Société des Arts de Tradition, toujours en compagnie de Pierre D’Aragon et Denis Lessard. Il s’agissait d’un organisme à but non lucratif regroupant des départements et des services qui devaient assurer la promotion de la danse ainsi que de tous les domaines des arts traditionnels. Cette société publiera un premier bulletin en avril 68. L’équipe de collaborateurs invités sera formée entre autres d’anciens membres des Feux-Follets et des Amis de Saint-Louis. Malheureusement toutes ces réalisations n’eurent qu’un succès de courte durée, ne suscitant pas toujours auprès des folkloristes tout l’intérêt qu’y portait Michel. Malgré tout, notre homme persévérait et ne cessait de vouloir concrétiser tous ses rêves.
C’est ainsi qu’en janvier 1969, on assiste à la naissance de l’Ensemble Kébec. Michel y voit enfin couronnée la somme de ses efforts. Cet ensemble se produira à Terre des Hommes, (Ile Ste-Hélène), dans la région de Charlevoix et au festival Mariposa, (Toronto). Michel caresse même le rêve de représenter le Canada au festival de la vigne à Dijon en France à l’été 1970. Il ne manque pas d’ambition. C’est ce que constatera Manuel Maître dans un article fort instructif du journal La Patrie  :

‹ L’Ensemble folklorique Kébec veut se spécialiser dans les danses Canadiennes-françaises et à ce propos son directeur nous déclare : « Nous dépasserons les Feux-Follets dans les danses du Québec car ils n’ont pas les éléments qu’il faut pour arriver au succès que nous venons d’avoir par exemple lors de notre premier spectacle ces jours derniers à Terre des Hommes. »

Le même ensemble folklorique renaîtra à la fin des années 80, après une longue période au cours de laquelle Michel se consacrera à sa famille et à l’enseignement de la danse dans différents stages de formation à travers le Québec, dans les Maritimes et dans l’Ouest canadien. L’ambition et le rêve l’habitent toujours. Il fut également membre du Conseil d’administration du Centre Mnémo pour quelque temps.
Michel laisse la communauté de la danse dans le deuil. Nous nous souviendrons de lui comme d’un amoureux de notre répertoire, d’un artiste convaincu par la danse de chez nous, d’un homme attachant et entier.

Dans ses dernières volontés, Michel a émis le souhait qu’il y ait une soirée de danse organisée en sa mémoire. Celle-ci a eu lieu le 4 juin 2205, au Centre du Plateau, au 2275 boul. Saint-Joseph, à Montréal.



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