NDLR : À l’origine, cet interview visait à s’informer sur les conditions de réalisation de l’ Étude sur la gigue canadienne, réalisée en 1967-68 par Guy Thomas, et publiée par le Ministère des affaires culturelles de l’époque (l’actuel MCCCF). Mais la discussion prit le large rapidement...
Pierre C. : Guy, qu’est-ce qui t’a amené à la danse, et plus tard à aller collecter des pas de gigue en région ?
Guy T. : Pour commencer je dois te dire que j’ai fait mes dernières années d’études à l’École des Arts graphiques, en graphisme, tout comme Michel Cartier que je ne connaissais pas à ce moment-là. Dans mes loisirs, je dansais déjà dans des soirées de danses folkloriques organisées par les loisirs paroissiaux. Dans les années ’60, à peu près toutes les paroisses de Montréal organisaient des soirées comme celles-là. Si on voulait, on pouvait danser 5 jours par semaine en changeant de paroisse.
Pour en revenir à ta question, après avoir passé un an comme danseur de danses internationales chez les Feux Follets j’ai voulu développer le côté québécois de la danse. Comme nous n’avions pas assez de matériel nécessaire pour fonctionner, j’ai décidé de faire des recherches sur le terrain pour combler ce besoin.
Guy T. : À la fin de mon cours aux Arts graphiques, je suis parti sur le pouce, pour aller me reposer à l’auberge de jeunesse du Lac Ouareau, et quand je suis arrivé là-bas, il y avait une semaine d’enseignement de danses internationales animée par Michel Cartier. C’est de cette façon que je l’ai connu.
Pierre C. : Est-ce que c’était avec l’Ordre de bon temps ?
Guy T. : Non, cette semaine folklorique était organisée par l’Auberge de jeunesse. L’Ordre de bon temps c’était bien avant cela. Il y a eu l’Ordre de bon temps, puis ensuite les T9. Ces mouvements n’existaient déjà plus.
À la fin de cette semaine folklorique, Michel Cartier, à cause de ma formation en graphisme, m’a demandé de m’occuper du journal Queskia, le journal de folklore de l’époque, édité par Michel Cartier.
À cette époque-là, au début des années ’50, les Feux Follets étaient un groupe de folklore de Longueuil. Leur répertoire consistait en danses simples et variées, celles que l’on retrouvait partout dans toutes les soirées de danses de l’époque : valses, polkas, danses de figures provenant de divers pays, etc . Comme je voulais faire partie d’une équipe qui s’intéressait à notre folklore, j’ai demandé à Michel Cartier si on allait faire des danses québécoises. Cette demande était primordiale pour moi car je voulais connaître et danser le folklore de chez nous. Il m’a répondu oui, et je me suis joint au groupe.
Après un an, j’ai demandé « C’est quand les danses québécoises ? ». On en faisait deux à ce moment là : la Danse de la Mariée et la Cardeuse.
Guy T. : Il m’a répondu : « on sait à peu près tout du folklore québécois et là il n’y a pas grand-chose ». Je lui ai offert de créer une section québécoise, « à temps perdu, avec les gens de l’équipe que cela intéressait.
Pierre C. : Tout cela se passait à quelle époque précisément ?
Guy T. : Je suis entré aux Feux Follets en ‘56, ça devait se passer en ‘57.
Pierre C. : C’est au même moment où Simonne Voyer collectait des danses un peu partout...
Guy T. : Justement, avec Simonne Voyer j’ai eu une mauvaise expérience. À l’Auberge de jeunesse du lac Ouareau, j’ai rencontré une fille qui voulait faire partie du groupe de Simonne, mais pour être acceptée, il fallait qu’elle amène un partenaire avec elle, puisqu’il manquait d’hommes dans l’équipe. J’ai accepté de l’accompagner et j’ai assisté à une réunion avec elle. Puis, comme je m’apprêtais à aller à une seconde rencontre, un gars du groupe de Simonne que je connaissais m’a averti que « je ferais mieux de ne pas y aller, car on dit dans le groupe de Simonne Voyer que je serais un espion de Michel Cartier ». Je n’étais pas encore fixé dans quelle équipe je voulais aller à ce moment-là. J’étais chez les Feux Follets que pour m’occuper du Journal Queskia. Malgré mon désir de danser notre folklore, je ne suis pas retourné dans le groupe de Simonne.
Guy T. : J’avais donc quelques danses québécoises que j’avais glanées par-ci, par-là , mais mon répertoire était insuffisant. Un autre problème était le recrutement de danseurs intéressés à mon projet car, à cette époque, les gens ne juraient que par les danses internationales.
Pierre C. : D’où venait donc le répertoire des Feux Follets de cette époque, disons vers ‘57-58 ?
Guy T. : Pour les danses internationales, Michel Cartier allait dans des camps américains en Californie, pour apprendre des danses internationales et des contredanses américaines. Il enseignait ces danses d’abord aux Feux-Follets, puis les transmettait aux autres équipes dans les Folkmoots (stages de danses).
Quant aux deux danses québécoises que l’on faisait, c’était le résultat des recherches de Robert Rousseau, un des danseurs de l’équipe et de Michel Cartier lui-même. Enfin c’est ce que l’on m’a dit.
Pierre C. : Et en ce qui concerne la gigue, que se passait-il aux Feux Follets dans ces années ?
Guy T. : Il n’y avait pas de gigue chez les Feux Follets dans ces années-là. À part les deux danses citées plus haut, il n’y avait pas d’intérêt pour cela ni dans le public ni dans les équipes, sauf chez les Folkloristes du Québec [1], du moins à Montréal.
C’est à cette époque que Dick Crum [2] fut invité dans un Folkmoot pour enseigner la danse yougoslave à Montréal. Il y eut un grand engouement pour ces danses et l’équipe des Feux-Follets, qui jusque là était « généraliste », s’est spécialisée dans les danses yougoslaves.
Pierre C. : Spécialisée de quelle manière ?
Guy T. : Les 3 grandes équipes du temps étaient spécialisées. Les Folkloristes de Saint-Jean, avec Greg Marcil et Germain Hébert, dansaient exclusivement de l’ukrainien ; Jacques Carrière avec l’Équipe Diocésaine, de l’israélien ; et les Folkloristes du Québec de Simonne Voyer faisaient du québécois. Pour leurs spectacles, ces groupes portaient les costumes appropriés à leur spécialité. Avec le matériel et les chorégraphies fournies par Dick Crum, les Feux Follets sont devenus à leur tour un groupe spécialisé en danses yougoslaves. On dansait en costumes faits maison. Seuls les Opankis (chaussures yougoslaves) étaient authentiques.
Il y avait par ailleurs quatre couples de danseurs des Feux Follets qui étaient intéressés, en plus des danses internationales, à faire de la danse québécoise. Pendant deux ou trois ans, ça été assez dur de subsister par manque de matériel, de danseurs vraiment intéressés et de moyens financiers et techniques plus substantiels.
Pierre C. : C’était toujours à Longueuil ?
Guy T. : En partie. Puis les Feux Follets ont déménagé à Montréal, car Michel Cartier avait commencé à travailler à l’Atelier folklorique de la ville de Montréal, situé sur la rue Desjardins , entre les rues Sherbrooke et Pierre-de-Coubertin. Les Feux Follets des deux sections (danses internationales et danses québécoises) en ont fait leur lieu de répétitions. Puis à chaque automne les Feux Follets faisaient des auditions pour choisir des nouveaux danseurs. La section internationale sélectionnait les meilleurs candidats et laissait ceux qui étaient refusés à la section québécoise. Comme ces danseurs étaient venus pour faire de la danse internationale, ils n’étaient pas très motivés et ils espéraient, on peut le comprendre, être « promus » dans la section internationale après avoir passé un bout de temps dans la section québécoise.. Nous étions le parent pauvre de la troupe...
Pierre C. : Est-ce à cette époque que Carignan et Philippe Bruneau jouaient pour les Feux Follets ?
Guy T. : Il y avait Jean Carignan et ses frères Marcel et Rodolphe, mais pas encore Philippe Bruneau.
Pierre C. : Mais ils ne devaient pas jouer souvent s’il n’y avait pas beaucoup de danse québécoise...?
Guy T. : Pas vraiment, car à chaque année les Feux-Follets donnaient un spectacle annuel à la salle du Gésu dans lequel la section québécoise avait sa partie. En outre, même si le contenu québécois était peu étoffé, nous étions invités à danser dans des congrès et aussi à la télévision.
Des personnalités comme Hélène Baillargeon, Allan Mills, Ovila Légaré, Yoland Guérard, Jacques Labrecque étaient souvent invitées comme nous dans ces mêmes congrès. On dansait également devant les troupes de folklore étrangères venues à Montréal donner des spectacles, et qui étaient reçues officiellement à l’Atelier folklorique par la Ville de Montréal, de sorte que les musiciens pouvaient jouer assez souvent.
Pierre C. : Ainsi tu t’es occupé pendant quelques années de la section « canadienne » des Feux Follets avant de fonder le groupe des Danseurs du Saint-Laurent ?
Guy T. : Je suis resté cinq ou six ans chez les Feux Follets avant de quitter. Pour aider à faire subsister la section québécoise, durant mes vacances annuelles, j’ai commencé à faire de la recherche, et cela à mes frais, dans l’espoir de trouver du nouveau matériel de danse. Je partais sur le pouce pour rencontrer des gens en région. J’avais déjà quelques contacts par l’entremise de Carmen Roy, du Musée de l’Homme à Ottawa et quelques autres informateurs. Au fil des ans, je suis allé dans la région de Québec, en Gaspésie, au Lac Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, au Cap Breton, à Chéticamp, à Pointe-Bleue (Mashteuiatsh), au Grand Lac Mistassini...
À ce sujet : lors d’une émission de télévision avec Nicolas Doclin à Radio-Canada, j’ai rencontré un amérindien de Pointe-Bleue qui était agent de sécurité à Radio-Canada et qui s’intéressait à nos danses. Il a proposé de m’accompagner à Pointe-Bleue et au Grand Lac Mistassini et de me servir d’interprète, car il parlait leur langue.
Pierre C. : Mais de tous ces voyages et collectes, qu’as-tu publié ? Était-ce diffusé dans le journal Queskia ?
Guy T. : Il y a mon étude sur la gigue québécoise commanditée par le Ministère des Affaires culturelles, faite en 1967. La rédaction de cette étude a été terminée et publiée en ’68. Dans tous les stages de danses où j’ai enseigné on remettait aux participants copie des chorégraphies.
J’ai aussi écrit un numéro de la revue Queskia qui présentait mon Glossaire de la danse québécoise alors que Michel Cartier, habituellement responsable de la revue était parti en Bulgarie.
Michel Cartier avait effectivement été invité par le gouvernement bulgare pour apprendre les danses bulgares là-bas. Son séjour a duré un an environ. Il est d’ailleurs revenu avec des danses, des costumes authentiques et des accessoires. C’est à son retour que l’équipe s’est spécialisée en danses bulgares, délaissant les danses yougoslaves.
Pierre C. : Pour en revenir à tes voyages de collecte, quelles traces en reste-t-il ? As-tu écrit ou enseigné ces danses...?
Guy T. : Bien sûr. J’ai enseigné une partie du contenu de mes recherches à la section québécoise des Feux Follets, puis aux Danseurs du Saint-Laurent, dans des Folkmoot et dans des camps d’été organisés par les Feux Follets et autres organismes. Plus tard, dans le cadre de la Fédération loisir-danse du Québec (FLDQ), j’ai enseigné à des équipes qui me demandaient du matériel de danse. J’ai aussi donné des conférences sur ces sujets.
Mes recherches ont été pas mal prolifiques un peu partout. Mais je ne suis pas revenu avec grand chose du Grand Lac Mistassini. D’abord il n’y avait pas d’électricité dans le Nord, et la machine enregistreuse à manivelle que Sam Gesser [3], (des disques Folkways) m’avait prêtée n’a pas pu fonctionner. Peut-être que je ne savais pas trop m’en servir…
Pierre C. : Mais y as-tu vu des danses (au Grand Lac Mistassini) ?
Guy T. : Oui, j’ai vu des danses frottées, dans le genre de la Plongeuse, Passe en d’sus et en d’sous... À Pointe-Bleue je n’ai rien vu mais je me suis fait expliquer leurs danses cependant. C’est à partir de ces explications que j’ai « inventé » le spectacle de la Shakapoine. C’est la seule danse que j’aie créée, tout le reste de mes spectacles est basé « sur du vrai ».
La rencontre avec les gens du Grand Lac Mistassini s’est drôlement faite. Un soir, j’ai dit à mon interprète : « Nous allons voir le Grand Chef pour organiser une danse demain après-midi ». Il faut savoir que les Amérindiens ne parlaient ni français ni anglais. Ils parlaient le Nasquapi. La rencontre était prévue à un ancien comptoir de la Compagnie de la Baie d’Hudson, tout en bois, même pas de porte et qui ne servait plus. Le Grand chef dit oui. On se retrouve donc à 3 le lendemain (l’interprète et un de ses amis et moi) à l’heure dite. On attend, mais personne n’arrive et le temps passe... On s’est mis à turluter, à faire du bruit avec nos pieds, avec nos mains pour attirer l’attention. Finalement ça a attiré les enfants qui trouvaient cela drôle, puis les mères ont suivi parce qu’elles étaient inquiètes pour leurs petits et finalement les hommes sont arrivés, inquiets pour leurs femmes.
Pierre C. : Et qu’est-ce qu’il y avait comme instruments ?
Guy T. : Il y avait du violon, de la guitare. Un peu ce que l’on retrouve dans les formations musicales habituellement, la batterie en moins. Ils dansaient sur de la musique écossaise.
Pierre C. : À part des danses amérindiennes du Grand Lac, d’où provenait le répertoire québécois de la section canadienne des Feux Follets ?
Guy T. : La première année on a fait 3-4 danses. La Plongeuse, la Cardeuse, une Sixième partie de quadrille. Des danses que j’avais récoltées un peu partout, puis le Cotillon de Baie Sainte-Catherine de Simonne Voyer.
Mes premières recherches fructueuses ont été faites à Québec. Très jeune, avant 1945, j’écoutais les Montagnards Laurentiens à la radio. C’était un orchestre de danses québécoises réputé, avec Omer Lambert comme calleur de quadrilles. L’émission était diffusée à CHRC et retransmise à Montréal par CKAC, je crois. En ’57 cette émission n’existait plus. J’ai écrit au poste CHRC pour savoir où je pouvais rencontrer monsieur Lambert . Omer Lambert était décédé. CHRC m’a cependant envoyé un opuscule écrit par Lambert qui contenait la description des 5 quadrilles dansés dans la région de Québec. Par contre, à Lévis, il y avait Jos Miller, le grand rival de Lambert qui vivait toujours. Je suis donc allé le rencontrer. Dans son temps il « callait » les quadrilles les samedis soirs de l’été sur le traversier de Québec. Pour l’occasion, le traversier faisait une excursion. Il remontait le fleuve beaucoup plus haut que Québec, coupait les moteurs et se laissait descendre tranquillement jusqu’à Québec. Les gens dansaient dans l’espace qui est normalement réservé aux voitures.
De Jos Miller, en plus de la description des quadrilles, j’ai eu plusieurs chorégraphies de danses manuscrites, mais non vues et sans musique.
J’ai aussi rencontré des danseurs au Lac-Saint-Jean et des gigueurs comme Albéric Simard : il était vraiment bon !
Pierre C. : Il est justement cité dans ton étude sur la gigue canadienne de 1968, qui étaient les autres ?
Guy T. : Il y avait aussi Desmeules qui était aussi bon que lui, plus traditionnel encore... mais il n’a jamais voulu montrer ses pas…Il y a aussi Don Gilchrist, Claude LeBlanc. Il y a aussi Jean Carignan que peu de gens ont connu comme danseur, et que j’ai oublié de citer dans mon Étude. Il m’a enseigné la Valse-clog. Et il y a quelques autres qui ne me reviennent pas à l’esprit pour le moment.
C’est à Chicoutimi que j’ai eu la plus grosse déception de ma vie de folkloriste. J’arrivais sur le pouce comme toujours. Je suis entré dans l’édifice de Radio-Canada, je ne me souviens plus trop pourquoi... En sortant, je vois dans le corridor une caisse de carton d’environ 3’x3’x3’ remplie aux trois-quarts (une centaine de disques !) de vieux disques 78 tours (Starr et autres) qui étaient tous neufs, car on ne les avait jamais fait jouer ! Une mine d’or ! J’ai demandé ce qu’ils allaient faire avec ça. On me répondit que c’était pour s’en débarrasser ! J’en ai pris une dizaine, essentiellement de Joe Bouchard. Si j’avais eu une voiture !! C’était vers 1965.
Pierre C. : Je vois des noms comme Donald Gilchrist de Pontiac, ou Claude LeBlanc des Îles de la Madeleine...
Guy T. : Je les ai bien rencontrés... Claude LeBlanc surtout, je l’ai bien connu. C’est avec lui que j’ai commencé à apprendre la gigue en 1957. Il était des Iles mais vivait à Montréal.
Pierre C. : Et comment s’est déroulée cette collecte de gigue ?
Guy T. : Par exemple, avec Claude LeBlanc, j’ai peut-être appris 12-15 pas. Ce n’était pas toujours facile parce que les danseurs traditionnels, quand on leur demande de recommencer pour vérifier si on a bien saisi, ne refont pas toujours les mêmes choses. Ils sont comme les musiciens traditionnels, ils « dansent par oreille ». Avec notre esprit cartésien et rigoureux, c’est difficile de s’adapter à cela. La difficulté de la collecte de la gigue et même de la musique, est là. Pour la danse c’est autre chose. Il faut être circonspect sur les informations qu’on nous donne. Par exemple, on nous dit qu’on va danser le quadrille de Saint X. Par la structure de la danse, par ses figures et la sorte de musique, quelqu’un qui s’y connaît, se rend compte que la danse présentée n’est pas un quadrille mais, supposons, une contredanse ou un set carré. Et ce n’est pas de la tricherie de l’informateur. C’est qu’ils ont toujours appelé cette danse, le quadrille de Saint X, c’est tout. Ça m’est arrivé.
Pierre C. : Je vois que dans la liste des gens rencontrés il y a Alfred Desrochers, poète. Est-ce bien le père de Clémence Desrochers ?
Guy T. : Oui. C’était un peu avant son décès. Je l’ai rencontré une fois. C’est Greg Marcil qui m’avait donné le tuyau comme on dit. Greg participait à une émission de télévision, ils s’étaient rencontrés, et Alfred Desrochers lui avait conté plein de choses intéressantes. Greg m’avait donc suggéré d’aller le voir. Mais il n’avait évidemment pas de gigue ni de danses à me montrer.
Pierre C. : Tout de même, les pas que tu as collectés dans ces années, tu les as enseignés par la suite ? Aux Feux Follets ? Aux Danseurs du Saint-Laurent ?
Guy T. : La section québécoise des Feux Follets et les Danseurs du Saint-Laurent en ont profité. D’autres équipes aussi, dans des stages de danses. J’ai recueilli une partie de ces pas entre 57 et 62 environ, avant que les Feux Follets ne deviennent professionnels. Don Gilchrist n’était pas dans le décor à ce moment-là. Et comme je ne voulais pas devenir professionnel, je me suis retiré de l’équipe et j’ai fondé les Danseurs du Saint-Laurent, puis j’ai connu Gilchrist par l’entremise de Philippe Bruneau. Ce sont les Danseurs du Saint-Laurent qui ont profité des connaissances de Gilchrist. C’est de lui que nous tenions la « Gigue Irlandaise » qu’interprétaient sur scène Claude Théberge et Claude Brochu (des Danseurs du Saint-Laurent) et les Gens de mon Pays ensuite, l’équipe de Yves Moreau.
Pierre C. : Et les Danseurs du Saint-Laurent ont existé jusqu’en quelle année ?
Guy T. : Jusqu’en 1974. La dernière année, on avait eu un contrat avec le Canal 12, pour le John Allan Cameron Show. On y faisait une ou deux danses par émission. À la fin du contrat, l’équipe des Danseurs du Saint-Laurent a été dissoute. J’avais 42 ans et j’avais décidé qu’il était temps que j’accroche mes souliers et que je passe à autre chose. J’ai rajouté un an de plus à mon implication dans le folklore pour enseigner mon spectacle aux Gens de mon pays, le groupe de Yves Moreau qui voulait se lancer dans la danse québécoise. Je me disais que mes danses survivraient peut-être et que je n’aurais pas fait ce travail pour rien. Les Gens de mon Pays sont allés représenter le Canada au Festival de Dijon en 76 avec ce spectacle, et ont gagné la médaille d’argent. Cela a été la fin et le couronnement de ma carrière.
Pierre C. : D’où provenaient les danses des Danseurs du Saint-Laurent et/ou celles présentées au John Allan Cameroun show ?
Guy T. : Ces danses provenaient de mes recherches et de certains stages. Par exemple, en 1967, il y a eu une semaine complète sur la danse québécoise à Duchesnay, près de Québec, organisée par la Fédération loisir-danse du Québec et Greg Marcil. Simonne Voyer, qui y était, nous a enseigné quelques danses. J’y enseignais aussi. Mais le plus intéressant, c’est qu’à chaque jour le thème était axé sur une des régions du Québec. Des « vrais danseurs traditionnels » des régions environnantes de Québec, de Montmagny, de Saint-Raymond entre autres, sont venus nous enseigner les danses de leur coin. On y a vu des vrais quadrilles, des vrais sets carrés, des vraies contredanses, de la vraie gigue. C’était une vraie mine d’or pour les participants.
Pierre C. : Tandis que les pas provenaient en partie de tes collectes ?
Guy T. : Effectivement.
Pierre C. : Est-ce que c’est toi qui avais invité Philippe Bruneau à jouer pour les Danseurs du Saint-Laurent.
Guy T. : En fait, j’ai connu Philippe aux Feux Follets. Jean Carignan jouait pour nous, et une bonne fois il est venu avec Philippe. Et ça a cliqué entre nous deux comme on dit. Jean Carignan n’a jamais joué pour les danseurs du Saint-Laurent. Philippe a joué pour nous jusqu’à la fin du groupe en 1974. Je n’aurais pas pu trouver un meilleur musicien que lui tant par ses connaissances que par la qualité de sa musique.