La dernière fois que j’ai vu Aimé Gagnon c’était durant l’été 1997 à Saint-Joseph -Lemoine, au Cap-Breton. Il était là avec ses enfants Danielle et Yves. Ensemble, ils entreprenaient la traversée du Canada. Dernier voyage d’un homme qui était sans cesse émerveillé par la musique des autres et qui bien humblement prenait son violon pour jouer des airs qui ont su à leur tour nous émerveiller.
Comme beaucoup de musiciens traditionnels, Aimé Gagnon s’est taillé une bonne réputation au cours de sa vie, notamment à cause de son répertoire plutôt original et diversifié, hérité en grande partie de son milieu familial. De plus il était un violoneux fort apprécié dans sa région (Lotbinière). Nombreux sont les gens qui ont fait appel à ses services de musiciens pour agrémenter leur soirée. Par contre, il n’avait jamais enregistré. C’est un peu à cause de cette lacune que ce disque a pris naissance. C’est ainsi que ses enfants lui ont rendu hommage, en rendant ces enregistrements disponibles à un large public, contribuant ainsi à perpétuer sa mémoire musicale.
Pour cela, ils ont fait appel à celui qui a sans doute le mieux connu sa musique : le violoneux Claude Méthé, ex-membre de nombreux groupes de musique traditionnelle (Rêve du Diable, Manigance, Dents-de-Lion). Celui-ci a côtoyé Aimé Gagnon durant de nombreuses années. Lui rendant visite régulièrement, il a appris la plus grande partie du répertoire de monsieur Gagnon. Je laisse ici la parole à Claude Méthé qui nous décrit brièvement sa rencontre avec ce musicien : J’ai connu Aimé Gagnon d’abord par l’entremise du disque Acadie-Québec. Ensuite, je l’ai rencontré chez lui et je ne sais pas qui a adopté qui... Sa musique lui ressemble, sans artifice, la vérité pure et simple qui coule de source. Cet enregistrement constitue une archive personnelle. La plupart des pièces ont été enregistrées dans sa cuisine ou dans des veillées familiales durant différentes étapes de sa vie. [1]
Bien qu’il s’agisse d’enregistrements "maison", réalisés avec un équipement audio simple, la qualité sonore est relativement bonne. Il faut d’ailleurs remercier Claude Méthé d’avoir eu le soucis d’enregistrer ses rencontres avec monsieur Gagnon.
Nous y retrouvons vingt-huit pièces qui totalisent près d’une heure d’enregistrement. On peut y entendre des airs joués en solo par monsieur Gagnon, ainsi que d’autres en compagnie de Claude Méthé, ou avec les accordéonistes Marcel Lemay et René Blanchette. Quantité de pièces sont accompagnées au piano par Cécile Gagnon ou Lisette Lemay, et à la guitare par René Blanchette ou Paul Marchand. Les pièces choisies sont représentatives du répertoire de monsieur Gagnon et nous font apprécier toute l’originalité et le talent que possédait ce musicien. Le livret qui accompagne le disque nous donne beaucoup d’informations relatives à la vie d’Aimé Gagnon. Il est ainsi agrémenté d’une courte biographie du musicien et de quelques commentaires au sujet des pièces du disque. Nous y retrouvons également un conte inspiré de la vie de monsieur Gagnon, écrit par Catherine Jacques, qui lui rend ainsi un vibrant hommage. Quelques photos anciennes illustrent aussi différentes étapes de la vie du musicien.
Aimé Gagnon aurait sans doute été heureux de s’entendre ainsi sur un disque entouré de ses amis musiciens avec qui il a passé tant de temps à partager cette passion. Il aurait aussi été fier de ses enfants qui ont pris le soin de faire connaître et diffuser sa musique, transmettant ainsi l’héritage de leur père.