André Alain, violoneux [30 août 1931‚ 5 avril 2000]

Vol. 5, no. 2, Automne 2000

par LECLERC Pierre

André Alain

La découverte de ce violoneux est particulièrement redevable à sa prestation au festival La Veillée des veillées en 1975. Plusieurs musiciens, qui par la suite l’ont côtoyé, n’ont pas seulement bénéficié de son répertoire et de sa technique au violon mais aussi du témoignage d’une vie riche en expériences authentiquement reliées au terroir québécois. Pour mieux situer ce personnage, voici quelques informations qui contribueront pour certains à mieux le comprendre et pour d’autres à penser qu’il s’agit d’un récit légendaire.

Fils cadet d’une grande famille, André perdit sa mère à l’âge de sept ans et dut vivre son enfance sous l’autorité d’un père dur. Ce contexte de vie fut déterminant pour lui. Il comprit jeune qu’il ne devrait compter que sur ses capacités physiques et intellectuelles pour se maintenir une ration viable de sécurité et de bonheur. Sensible observateur de son entourage, il identifie les domaines où investir ses efforts afin de s’assurer un minimum de reconnaissance sociale. Ainsi, il réussit particulièrement bien à l’école, apprend le violon de son oncle Armand Chastenay et maîtrise si rapidement cet instrument que ce protecteur présente cet enfant aux meilleurs violoneux de la région. Plus tard, il développe ses muscles jusqu’à être vu comme un homme-fort relevant les défis de certains qui se donnaient en spectacle et s’acquiert la réputation d’un imprenable bagarreur.

André Alain a exercé plusieurs métiers. Fuyant l’emprise de son père, il quitte son village et s’engage d’abord comme draveur en Abitibi. Il essaie les chantiers de bûcherons mais préfère les activités de chasse et de trappe en forêt et devient au cours des ans un habile tireur à la carabine. Il travaille comme cheminot au Canadien National mais son appétit de liberté et le goût de vivre dans sa région l’amènent à son village où il travaille durement à une meunerie-scierie. La manipulation quotidienne du bois carré et des poches de moulée lui assure un développement et une résistance musculaire exceptionnels. Il travaille comme serveur dans une taverne, comme menuisier, puis face à l’échec de son mariage, il va à Montréal où il joue le violon dans les clubs. Au Mont-Wright, il travaille à l’entretien des camps des travailleurs puis il revient à Québec où il joue dans les bars. Sa retraite se vit à Saint-Basile, Sept-Iles et Deschambault et, souffrant d’emphysème chronique, il se retire finalement à Québec où il accueille occasionnellement sa fille et son petit-fils.

Dès son jeune âge, il rencontra d’excellents musiciens dont Mandoza Alain et le Quêteux Tremblay. C’est surtout par la radio qu’il apprend le répertoire de Joseph Allard et de Jos Bouchard. André Alain pouvait imiter si fidèlement le style de Bouchard jusqu’à s’y m’éprendre lui-même. Ses interprétations personnelles sous la souplesse de son jeu d’archet et ses triolets inattendus sont magnifiques. En 1951 et 1952, on peut l’entendre avec l’Orchestre Jobin sur les ondes de la radio de Trois-Rivières. En 1985, il participe au Champlain Valley Folk Festival (É.U.) puis l’année suivante au Festival of Fiddle Tunes dans l’état de Washington.

Lorsqu’on lui fit entendre pour la première fois la musique de Jean Carignan, il s’est dit : « Voila le style que je recherchais, voila la musique que je voulais entendre ». C’est lors d’un spectacle au Grand-Théâtre à Québec qu’il prit ce dernier par le bras et lui dit : « Monsieur Carignan, maintenant que je vous ai touché, je peux mourir tranquille ». En 1975, la grande invitation lui est lancée de participer au festival La Veillée des veillées. C’est pour lui l’occasion de rencontrer et de jouer en coulisse avec Louis Boudreau et Carignan sur une base plus amicale. Depuis cet événement, plusieurs musiciens portent une grande attention à sa musique et les rencontres ont toujours été des occasions de fêter. Quelques amis l’encouragèrent à publier sa musique et c’est finalement sous la contribution de Pierre Laporte, André Marchand et Guy Bouchard que le Centre de valorisation du patrimoine vivant a mis sur le marché une cassette audio témoin de ce personnage exceptionnel.

André Alain n’est plus mais ses amis continuent de lui rendre hommage par des événements comme l’atelier sur son répertoire tenu au dernier festival Mémoire et racines.



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