Dans un an et un jour : Contes de l’Île-du-Prince-Édouard

Vol. 7, no. 4, Hiver 2003

par FAVREAU Éric

Dans un an et un Jour est le deuxième CD issue de la série « collection traditions acadiennes » du Centre d’études acadiennes de l’Université de Moncton. On se rappellera que le premier CD renfermait des mélodies et des chansons traditionnelles provenant de l’Île-du-Prince-Édouard qui avaient été collectées par Georges Arsenault (voir bulletin Mnémo, Hiver 2001). Ce deuxième disque nous amène cette fois-ci dans l’univers du conte.

Les contes présentés dans ce deuxième volume proviennent encore une fois des collectes effectuées par Georges Arsenault entre 1971 et 1975. Monsieur Arsenault a fait durant de nombreuses années des enquêtes sur les traditions orales des acadiens. Il a également publié plusieurs livres mettant en valeur l’histoire et la culture traditionnelle de l’Île. Le document qui nous est présenté renferme neuf contes pour une durée totale de 72m40s. Voici une partie de l’introduction du livret d’accompagnement qui nous situe davantage face à ce projet : Ce disque contient quelques bons exemples du riche répertoire de contes recueillis auprès d’authentiques conteuses et conteurs insulaires nés entre 1891 et 1909. Les enregistrements ont été effectués dans l’intimité du foyer de chaque conteur à Abram-Village, à Cap Egmont et à Saint-Édouard. Ces documents sonores s’avèrent des plus précieux, car en plus de contribuer à préserver de l’oubli la tradition orale du conte, ils nous offrent d’excellents échantillons du français parlé par cette génération d’Acadiens.

À cet effet il est agréable d’entendre ces voix d’hommes et de femmes qui racontent des histoires avec des tournures de phrases, des intonations particulières employant parfois un vocabulaire qui demande explication pour une meilleure compréhension. Le livret contient donc une liste de ce vocabulaire où parfois des expressions de la langue anglaise sont empruntées pour être jumelées au français. À l’exemple de « Se battre right out » : se battre jusqu’au bout, ou bien « Quoi ça mean ça » qu’est-ce que ça veut dire ? D’autres termes plus près de la langue parlée sont également « traduits » à l’exemple de : « Tchoc chouse » : quelque chose ; « provitare » : presbytère ; « bouchure » : clôture. Pour finir, la liste de vocabulaire comprend bien évidemment des expressions qui parfois n’ont rien à voir avec le sens des mots employés : « quand elle est malade » pour « quand elle accouche », « braque à se piocher » pour « commence à se battre ». Au total le livret offre une « traduction » de 95 mots, expressions, anglicismes dits lors des récits.

La sélection des contes présentés témoigne des genres collectés par Arsenault. On y retrouve différents types de récits certains mieux connu comme la Bête à sept têtes (33m17s) ou bien Jean de l’Ours (11m32s). D’autres sont moins répandus tel la Marlèche et la Veuve. La plupart des récits sont courts afin de mettre en valeur les résultats des collectes et assurer une certaine diversité. Ceci démontre et démystifie le fait que les contes soient généralement longs et remplis de séquences répétitives. Ces récits très courts ont une durée maximum de 3 min. Ils étaient parfois adaptés volontairement par le conteur et écourtés pour être racontés à un jeune public. Les insulaires les appellent d’ailleurs « les petits contes ». Comme l’écrit Arsenault : « les contes de cette catégorie sont nombreux et assez faciles à récupérer, autant chez les hommes que chez les femmes. Il suffit de participer à une rencontre de famille ou d’amis, de se trouver au café ou au bar du coin, pour tomber en pleine séance improvisée de contes et d’anecdotes, et y découvrir des conteurs de grands talents. Les petits contes s’adressent avant tout aux adultes, car ils contiennent souvent des références sexuelles parfois explicites. Ces farces tournent autour de couples mariés, de célibataires, de prêtres et aussi de gens simples d’esprit ».

Cette description correspond bien aux récits Qui a cassé la vitre ? (1m35s) fait par Lucie DesRoches, ainsi que La Veuve (1m28s) raconté par Léah Maddix.

L’on retrouve sur cet enregistrement cinq conteurs et conteuses. Deux sont des hommes et trois sont des femmes. Une large place est accordée à Léah Maddix qui raconte quatre récits. Comme le mentionne Arsenault, cette répartition correspond sans doute au fait que : « Si la tradition publique du conte appartenait essentiellement aux conteurs, la tradition familiale relevait avant tout des conteuses. Le plus souvent, c’était la mère ou la grand-mère qui savait conter aux enfants les récits qu’elle avait entendus » . Arsenault laisse donc la place aux paroles de femmes qui au total remplissent sept plages sur neuf.

Tout comme dans Mélodies et refrains de l’Île-du-Prince-Édouard, Georges Arsenault apporte des explications sur chacun des récits et sur chacun des conteurs et conteuses. Les commentaires envers ces gens qu’il a collectés démontrent le plaisir et l’attachement qu’il a envers eux. La grande partie des commentaires nous apprend davantage sur les informateurs que sur le récit lui-même contrairement à certains disques de collecte où la majorité de l’information est orientée sur le parcours historique du conte ou de la chanson. Cette approche nous ramène à l’essentiel soit que les contes sont là avant tout pour divertir et qu’ils sont dits par des gens qui les ont portés tout au long de leur vie.

Dans un an et un jour nous permet d’entendre des récits provenant d’authentiques conteurs(es). L’audition du disque peut sans doute s’avérer difficile pour certains, non pas que les récits sont dépourvus d’intérêt, mais il faut être très attentif pour pouvoir suivre certains récits. Le conte dans son acte de communication implique la participation du corps dans sa gestuelle faciale et corporelle, aspect qui fait évidemment défaut sur disque. Il ne reste que la voix et dans certains cas, le ton employé qui se rapproche du ton de la conversation normale déstabilise l’image parfois stéréotypée que l’on peut avoir du conteur. L’écoute est donc passive et l’auditeur ne peut lui non plus communiquer ses réactions spontanées au conteur. Nous sommes également loin des conteurs qui font de la scène où les récits amènent les sourires et les rires pratiquement au détour de chaque phrase. Cette réalité est néanmoins agréable et nous ramène dans un monde où l’esthétique est autre et où l’acte de communiquer les récits prend son sens et sa fonction à l’intérieur de contextes précis reliés à la famille et à la communauté. Il y a des voix belles à entendre qui sont chantantes et qui captivent. Celle de Léah Maddix entre autres où l’on sent en elle un véritable plaisir à raconter et à jouer avec les intonations de voix de ses personnages, à chanter au travers ses récits (La fille du roi qui riait pas) et à imiter le son des oiseaux (La marlèche). Ces voix porteuses de mémoire sont celles de Léah Gallant, Lazarette Gaudet, Lucie DesRoches, Augustin Gallant et Léah Maddix. Dans un an et un jour est un document indispensable pour tous ceux et celles qui apprécient et qui s’intéressent aux traditions orales.

Pour commander ce disque compact

Vous pouvez commander le disque compact « Dans un an et un jour : contes de l’Île-du-Prince-Édouard », en faisant parvenir un chèque ou mandat de 23,50$ Can, à l’ordre de l’Université de Moncton à l’adresse suivante :

Centre d’études acadiennes, Édifice Champlain, Université de Moncton, Moncton (N.-B.) E1A 3E9 CANADA

Pour plus d’informations : Téléphone : (506) 858-4719 / Télécopieur : (506) 858-4530.

Site Internet : www.umoncton.ca/etudeacadiennes/centre/cea.html

Personne-ressources : Ginette Cormier-Léger : legergi@umoncton.ca

Disque compact - « Dans un an et un jour : contes de l’Île-du-Prince-Édouard », par le Centre d’études acadiennes et Georges Arsenault. Collection Traditions Acadiennes, 2001, Vol.2 -1004. Ce disque compact est accompagné d’un coffret illustré de 16 pages.

Prix : 20$ (17,39 + TVH) + 3,50$ frais de port (pour le Canada). Total de 23,50$Can.



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