Lysandre Chartrand est étudiante en cinéma et passionnée de patrimoine vivant.
Le cinéma est, depuis ses premiers temps, un art pour la mémoire. Par ce médium, nous pouvons capter le présent pour les générations futures et réécrire notre passé, le mettre en lumière, en valeur, le recréer à l’écran, lui redonner un mouvement. Le cinéma, c’est aussi un miroir. Un œil ouvert sur notre monde et sur nous-mêmes. Un vecteur de regard et d’introspection, qui permet la remise en question par une prise de distance. C’est donc un outil qui permet, plus qu’une simple représentation, un véritable « réaménagement de la mémoire1 ». Le cinéma pose un regard critique sur notre perception du passé ou du présent puisqu’il est « à la fois dans la société en même temps qu’à distance de celle-ci2 ». Ainsi, si d’un côté la réécriture de notre mémoire est possible, il n’en reste pas moins que la représentation qui en découle est teinte de la vision actuelle sur le sujet, avec son lot d’idées reçues et de préjugés. Le cinéma peut refléter notre savoir tout comme notre ignorance, et il me semble qu’au Québec, particulièrement dans le domaine de la fiction, notre cinéma démontre une véritable maladresse dans sa façon de parler de notre patrimoine vivant. Il y a en effet un clivage important entre notre cinéma de fiction et documentaire quant à la question de notre folklore. Si les documentaires cherchent justement à briser l’ignorance, l’image des arts traditionnels dans la fiction ne semble pas vouloir en faire autant. Comment la veillée traditionnelle est-elle abordée dans les œuvres de fiction québécoises à travers les années ? Qu’elle est l’image réservée à celle-ci et a-t-elle évolué ?
S’il ne sera pas question ici des films documentaires, c’est que plusieurs cinéastes tels que Pierre Perrault et André Gladu nous ont offert dans ce domaine des perles cinématographiques pour les arts traditionnels. Pour la suite du monde et la série Le Son des français d’Amérique sont deux œuvres majeures qui donnent une place de choix au folklore québécois. Je souhaite donc me concentrer plutôt sur la fiction, car c’est ce cinéma qui permet le mieux la normalisation et la représentation des groupes sociaux et des cultures. C’est par la fiction que l’on peut regarder des pratiques sous un autre angle que celle de la recherche ou de la documentation. Si le cinéma direct et les documentaires ont su parler du folklore avec peu d’artifices ou de préjugés, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la fiction, en salle ou à la télévision.
Je vous propose donc un survol chronologique de la présence de la veillée québécoise et des arts folkloriques dans certaines œuvres choisies du cinéma de fiction québécois, afin de montrer comment ce regard influence notre perception de cette culture, encore aujourd’hui.
Récits de campagne d’antan
Photo : La scène de danse dans le film Les Brûlés (1959).
Lorsqu’on se penche sur l’histoire de notre cinématographie, la veillée traditionnelle semble avoir eu, dès les débuts du cinéma québécois, une petite place à l’écran. Seulement voilà, elle s’inscrit déjà essentiellement implantée dans la campagne d’antan, bienheureuse ou non. Peut-être les films pro-Duplessis de l’Abbé Proulx ont-ils eu une quelconque influence sur cette image, mais une chose est sûre : le milieu rural de fin 19e - début 20e sera le lieu de prédilection, si ce n’est le seul, pour la représentation de la tradition orale. Dès le milieu des années cinquante on remarque donc des émissions comme Cap-aux-sorciers (1955-1958), Le Survenant (1954-1957) ou des films comme Les Brûlés (1959) qui se plongent dans cette époque et donnent souvent une place à la veillée traditionnelle. Dans Les Brûlés, par exemple, la scène de veillée marque la réussite des personnages dans leur quête de construction de l’église et d’implantation définitive du village. La danse est mise de l’avant et les figures correspondent à celles d’un véritable set carré : coquette, swing, etc. On a même le droit à un cours de grande chaîne donné par le curé aux danseurs inexpérimentés. Il ne s’agit donc pas d’un simple décor, mais d’un élément important dans la vie des personnages. Ce film démontre donc qu’il existe, au moment de sa réalisation, une certaine connaissance sur le sujet de la part du cinéaste, bien que cette pratique culturelle est ici considérée comme appartenant au passé (le film retrace l’arrivée des colons en Abitibi dans les années 1930). La veillée et la musique traditionnelle restent anecdotiques. La tradition orale ne colore pas autrement l’univers des personnages et on ressent, à travers la voix chaleureuse de Félix Leclerc prenant le dessus, le désir de l’époque de se détacher de son passé pour rentrer dans la modernité. Aussi, si un film comme Les Brûlés critiquent les dures conditions de vie des colons, ils situent déjà la pratique comme appartenant au passé et à nos aïeux. La veillée est réservée à la campagne (alors qu’on sait que les set carrés se pratiquèrent largement en milieu urbain3) et à un monde révolu, à ce Québec ancien dont on veut se départir.
Ce genre de discours relatif au folklore continuera dans la fiction durant et au-delà de la Révolution tranquille, et ce malgré le renouveau folk des années ‘70. Dans un désir d’affirmation identitaire, un énorme regain d’intérêt pour la musique, la danse et la chanson traditionnelles se fait sentir : créations de troupes de danse et de groupes de musique folklorique par exemple. Ce revival de l’époque aurait pu, en y réfléchissant, donner un nouveau souffle à la représentation du patrimoine vivant dans le cinéma de fiction, or ce ne fut pas le cas. Si les documentaires sur le sujet affluent en effet (plusieurs cinéastes du cinéma direct verront dans nos arts traditionnels un sujet intéressant) la fiction, elle, reste majoritairement bornée à cette image de campagne d’antan. Le cinéma de fiction de l’époque cherche plutôt à s’ancrer dans la modernité, dans l’actualité et les enjeux sociaux. On ne veut certainement plus être associé à cet imaginaire du terroir.
La veillée traditionnelle n’est donc pas vraiment abordée puisqu’on préfère se concentrer sur les enjeux sociaux, sur ce désir de libération et d’affranchissement des valeurs traditionnelles et religieuses. Si on parle de l’ancien temps, c’est plus souvent pour critiquer une vision trop idéaliste de ce mode de vie à l’ancienne.
Entre Le temps d’une paix et Frédéric Back
Durant les années quatre-vingt, le cinéma québécois semble délaisser le ton social et engagé pour une perspective plus personnelle. « C’est un cinéma du présent, de la vie monotone et quotidienne, sans passé ni futur4 ». Une rupture se fait donc avec les idéaux nationalistes et les enjeux sociaux. On se concentre plus sur les émotions intérieures et la vie privée des personnages, démontrant un certain « désenchantement général des individus pour les causes collectives.5 » À la télévision cependant, l’intérêt pour l’« ancien temps » se prolonge. C’est l’époque de la série Le temps d’une paix, qui eut un immense succès et qui propose une histoire située dans le « bon vieux temps » des Canadiens-français vivants en région. Ici cependant, pas de critique virulente de la difficulté du mode de vie de l’époque, pas de tragédie ou de discours socio-politique, nous sommes bel et bien dans l’image clichée d’un feuilleton dramatique se situant tout simplement au début du 20e siècle. L’émission se base sur cet imaginaire collectif du folklore, celle d’une campagne rustique avec ses vieux sages, ses bûcherons, sa « parlure » et, bien sûr, sa veillée du temps des fêtes. L’épisode spécial de Noël illustre parfaitement le traitement réservé à la veillée québecoise : une salle pleine de rubans, de dentelles et de vestons du dernier siècle.
Bien qu’on ait pris la peine d’engager des musiciens dans le milieu6 et les danseurs des Sortilèges, les moments de musique et de danse sont très courts et ils ne servent au final qu’à agrémenter les discussions des aînés dans la pièce d’à côté. On ne s’intéresse pas à l’art lui-même, seulement à son ambiance, au décor qu’il projette dans notre esprit et autour des personnages principaux.
L’émission-reportage Soirées canadiennes aura aussi contribué à cette image de dentelles et de chemises à carreaux sur nos écrans lorsqu’on aborde le sujet du folklore, mais une chose est sûre : la place du trad dans la fiction québecoise télévisuelle est toujours au centre de ces décors en carton, de ces costumes à l’ancienne et de ces ceintures fléchées.
Pourtant, c’est à cette même époque, en 1981, que sort Crac ! par Frédéric Back. Ce film d’animation est, à mon sens, une œuvre majeure quant à la question de la représentation des arts traditionnels, en particulier de la veillée. Soudainement, le patrimoine vivant n’est plus une simple ponctuation, mais un véritable vecteur au récit. Nous sommes plongés au cœur de celui-ci dès les premières images avec la bande sonore du groupe Le Rêve du Diable, qui accompagne le film jusqu’au bout. Au centre de ce film, on retrouve une prodigieuse scène de veillée traditionnelle. Tout y est : des pieds emballants du gigueur au joueur de cuillères en passant par les enfants dans l’escalier refusant de dormir. Même le canot volant de la chasse-galerie ne peut s’empêcher de venir faire un tour. La scène est si entraînante que la caméra elle-même se mêlera aux danseurs jusqu’à adopter leur point de vue : un lustre tourbillonne au plafond comme si on avait levé la tête en plein swing. Nous ne sommes donc pas dans un simple décor, il y a ici un réel désir de nous faire ressentir la danse et la musique, qui ne sont pas mises en retrait mais prennent toute la place. On se plonge au milieu des pas et des archets pour en ressortir presque étourdi. Ainsi, la façon dont Back dépeint ici la veillée québécoise semble à des années lumières de ses prédécesseurs en cinéma de fiction puisqu’il s’agit ici d’un véritable souffle de vie, d’un moment d’apothéose qui deviendront les plus beaux souvenirs du protagoniste : la chaise berçante.
Photo : Images du film « Crac ! » de Frédéric Back.
Cette scène de veillée reste la plus complète, la plus précise, mais surtout la plus touchante qu’il m’a été donné de voir dans notre cinéma de fiction à ce jour. Il s’en dégage une admiration, ou du moins un véritable intérêt, pour cet art et sa richesse7. Il est vrai que nous sommes à première vue dans un autre film sur le « bon vieux temps » campagnard, or Back, fervent écologique, va un peu plus loin en élevant sa critique de « fin » de la pratique des arts folkloriques à l’avènement de l’industrialisation et du capitalisme sauvage. Le rejet du folklore n’est pas vu comme une libération, mais plutôt comme la conséquence d’une destruction de notre environnement, de notre patrimoine naturel et d’un changement d’économie. De plus, si Back semble faire du passé un idéal et exprime l’amenuisement d’une pratique culturelle, le patrimoine immatériel reste pour autant vivant : il s’infiltre partout, dans les murs, les meubles, et les artistes modernes qui prétendraient en être complètement détachés seront bien surpris d’apprendre que des violoneux se cachent au milieu de leur toile et ressortent à la nuit tombée pour envahir le musée... Ainsi, bien que Back associe la veillée au passé, il cherche néanmoins à la projeter dans l’actualité et à montrer que tant qu’il restera quelque chose ou quelqu’un qui portera en lui les traces de cet art, celui-ci continuera de vivre. Crac ! raconte, au final, la ténacité de l’artisanat et la force même de la tradition orale qui est de pouvoir continuer malgré les modes et les tendances artistiques.
Les films de contes et biopics
Des années quatre-vingt à l’aube de l’an 2000, notre cinéma de fiction persiste dans son traitement de sujets plus individualistes et psychologiques. On ressent chez les personnages une perte de repères par rapport au monde autour d’eux : on a rompu les liens avec le passé et le futur est source d’angoisse. Aussi, un goût pour les fictions se déroulant au tournant du 20e siècle et revisitant notre histoire ancienne se fait de plus en plus ressentir. Des films sur la Nouvelle-France aux réadaptations du roman de Claude-Henri Grignon, Séraphin : Un homme et son péché (2002) et la série Les pays d’en haut (2016-) marquent bien le coup et n’ont pas manqué de succès auprès du public. On ressort ainsi les fantômes de nos vieux tiroirs, et les biopics8 de personnages et héros québécois du dernier siècle, élevés avec le temps au rang de personnages folkloriques, sont légion : Nelligan (1991), Madame La Bolduc (1992), Maurice Richard (2005) et Trotteur (2011)... On cherche tranquillement des décors plus réalistes et des écritures plus dramatiques. Plus récemment, on remarque, entre autres, les longs-métrages Louis Cyr : l’homme le plus fort du monde (2013) et La Bolduc (2018). Dans le cas de Louis Cyr, pas de veillées, mais seulement un peu de gigue et de violon. Une seule scène, qui agit au final comme une ponctuation, un moment touchant où l’on cherche à attendrir par les mouvements maladroits du jeune gigueur et la frivolité d’un « joyeux rigodon ». C’est comme si soudainement, au milieu du récit, le film se rappelait que Louis Cyr était violoneux et aimait danser9. Or, si c’est le cas, les arts de la veillée auraient dû imprégner son univers plus d’une fois dans le film. La nouvelle série des Pays d’en haut réserve ce même genre de traitement au folklore. Le quotidien des personnages n’est nullement touché par la pratique autrement que de façon ponctuelle et extrêmement rare. On a droit à une veillée, mais à quel prix : le câlleur (Jean-François Berthiaume) est invisible, tout comme les musiciens, comme des accessoires de décors, jetables et remplaçables.
Photo : Normand Miron (à gauche) et David Boulanger (à droite). Un des rares plans de musiciens lors
des quelques minutes de veillée dans « Chasse-Galerie : la légende ».
De son son côté, La Bolduc, réalisé en 2018, semble apporter un léger vent de fraîcheur, en mettant la musique et la chanson traditionnelles au centre même du récit, mais ça ne change pas grand-chose au final. En effet, la veillée est inexistante et si la musique a sa place, elle n’est pas mise en valeur, mais uniquement présente parce que c’était le métier de cette femme. Le film cherche plutôt à montrer l’influence de La Bolduc au niveau social, sans s’attacher réellement à l’univers musical autour de son art. Encore une fois le contexte « traditionnel » ne semble n’être qu’un décor, un « filtre » pour raconter une histoire dramatique.
Un nouveau tournant dans cette représentation du « bon vieux temps » apparaît ensuite dans des films comme Babine (2008) de Luc Picard, une adaptation d’un conte de Fred Pellerin. L’univers de Fred Pellerin étant complètement imprégné des arts folkloriques, la tradition orale prend ici une toute autre place. Bien qu’il n’y ait pas de veillée, la chanson et la musique font partie du quotidien des personnages : l’harmonica de Babine, les complaintes du forgeron, etc. On fait attention à ne pas tomber dans le cliché, mais nous sommes ici encore situé dans un passé rustique de Canadiens-français.
L’engouement pour Fred Pellerin a par ailleurs encouragé des réalisateurs à adapter des contes traditionnels. Aussi avons-nous eu droit à une adaptation de la Chasse-Galerie : Chasse-Galerie : la légende en 2017 par Jean-Philippe Duval. Une idée prometteuse, me direz-vous, puisque la veillée est l’enjeu même de ce conte traditionnel ! On s’attendrait donc à ce qu’elle soit ici mise en valeur ! Malheureusement, c’est tout le contraire et le film se présente comme une véritable occasion ratée. La veillée, réduite en tout et pour tout à trois minutes, ne comporte aucune séquence de danse : un swing ici et là, un plan de pieds, quelques pas de gigue, c’est tout. On entend à peine la musique, on aperçoit brièvement les musiciens et le fait qu’il s’agisse de trois excellents musiciens trad10 ne rend la scène que plus frustrante. Le conte traditionnel est ici complètement dépouillé de son univers et de son enjeu d’origine, c’en est presque insultant. Ce film démontre bel et bien l’ignorance, mais surtout, dirais-je, le mépris qu’on accorde à ces récits, car le désir d’en faire un film à la sauce hollywoodienne avec un banal triangle amoureux ne peut venir d’un amour pour cet univers folklorique.
La seule œuvre des années 2000 qui propose un tout autre point de vue, qui se projette dans un futur et qui imagine l’avenir de la gigue et de la veillée est le docu-fiction, non-distribué et presque introuvable, Rétro réalisé par Nancy Gloutnez et Philippe Meunier en 2008. Cette expérience amateure, entre amis et à très petit budget, est complètement à l’opposé de la représentation habituelle du trad. Le folklore est vu ici comme un art en évolution et en continuité dans le temps. Il est moderne et actuel et le fait que les réalisateurs soient eux-mêmes gigueurs se fait sentir. Plus proche du sketch que du cinéma, ce film a tout de même le mérite de faire ce que personne d’autre n’a fait pour le trad en fiction.
Photo : La fiction-documentaire Rétro sur la gigue, par Nancy Gloutnez et Philippe Meunier.
Conclusion
La veillée traditionnelle, bien qu’elle se trouva très tôt portée à l’écran, semble réellement enfermée dans cette image mortifère du passé rustique et dépassé. L’influence des premières œuvres abordant le sujet se fait encore ressentir aujourd’hui et il est fort difficile pour la fiction québécoise de représenter la veillée traditionnelle et le patrimoine oral en dehors d’un contexte ancien. Si nous sommes passés du papier-carton des années quatre-vingt au filtre dramatique des grosses productions d’aujourd’hui, la vision de cet art n’a pas réellement changé : c’est désuet et réservé aux aïeux.
Nous ne sommes pas face à un miroir, mais à un écran de fumée, à des films teintés d’ignorance et de déconsidération vis-à-vis du folklore. Il est donc impératif de briser ce brouillard et d’offrir une représentation digne de ce nom. Rappelons-le, le cinéma travaille, tout comme la tradition orale, à la mémoire, et son omniprésence médiatique, dont l’ampleur ne cesse de croître, prouve que la représentation est un outil clé pour briser les préjugés. De plus, il est important de montrer que les arts traditionnels sont accessibles à tous, que tout Québécois d’ici ou d’ailleurs peut trouver sa place dans cet art. Dans un climat de divisons sociales et culturelles, la veillée et le répertoire traditionnel québécois se dressent comme un moyen idéal de socialisation. « Bien réussir un set ou un quadrille nécessite la mise en commun d’expériences diverses, l’acceptation des différents degrés d’habileté, l’abandon de la compétition et de la performance11 ». La veillée permet un oubli de soi qui brise les murs, le temps d’un set, entre les âges, les sexes et les origines. Cette harmonie et ce partage que Frédéric Back avait si bien capturés. Or, comment montrer aux Québécois d’aujourd’hui la richesse et l’ouverture de ce patrimoine oral si celui-ci est figé dans une représentation passéiste ? Il y a donc urgence. S’il n’y a pas de changement dans notre façon de représenter nos arts traditionnels, si nous nous bornons à déléguer la veillée, la gigue, les reels et les chansons traditionnelles au rang de filtre historique dans un décor de bûcherons, nous ne pourrons plus nous regarder autrement à l’écran. S’il n’y a pas de travail cinématographique qui cherche à restituer le folklore comme faisant partie de notre présent, comme d’un art non pas uniquement ancien, mais bel et bien vivant et en évolution constante, tel qu’il l’est aujourd’hui, je crains que nous ne dressions un mur infranchissable face aux générations futures qui n’auront pour se regarder qu’un écran de clichés et de fausses vérités. Il est grand temps que le fossé entre la réalité actuelle des pratiquants de cet art et sa représentation télévisuelle soit comblé. Bien qu’il y ait eu et continue d’y avoir plusieurs documentaires abordant merveilleusement la tradition orale, il est clair que la fiction reste le moyen le plus efficace pour permettre au folklore de vivre, agir et exister dans le récit et non qu’un sujet regardé, étudié et collecté à l’écran.
La jeunesse est curieuse et ouverte à apprendre ou réapprendre son patrimoine vivant, à s’affranchir des préjugés et à découvrir la richesse de ces pratiques. Tout ce qu’il faut c’est de forger un cinéma qui répondra à cette tâche colossale : donner au patrimoine immatériel une image vivante et moderne sur les écrans québécois.
Œuvres citées :
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Cap-aux-sorciers (1955-1958), émission télé de Guy Dufresne
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Le Survenant (1954-1957), émission télé de Germaine Guèvremont
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Les Brûlés (1959), film de Bernard Devlin
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Pour la suite du monde (1963), film de Pierre Perrault
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Le son des français d’Amérique (1974-1980), série de 27 films (27 minutes chacun) d’André Gladu et Michel Brault
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Crac ! (1981), film de Frédéric Back
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Le Temps d’une paix : Spécial le temps des fêtes (1982), épisode télé d’Yvon Trudel
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Madame La Bolduc (1992), film d’Isabelle Turcotte
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Maurice Richard (2005), film de Charles Binamé
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Babine (2008), film de Luc Picard
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Rétro (2008), film de Nancy Gloutnez et Philippe Meunier
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Trotteur (2011),film de Francis Leclerc et Arnaud Brisebois
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Chasse-Galerie : la légende (2017), film de Jean-Philippe Duval
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Ésimésac (2012), film de Luc Picard
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Louis Cyr : l’homme le plus fort du monde (2013), film de Daniel Roby
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La Bolduc (2018), film de François Bouvier
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Christian Poirier, Le cinéma québécois et la question identitaire. La confrontation entre les récits de l’empêchement et de l’enchantement, p. 2.↩
-
Christian Poirier, Ibid. p. 2.↩
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Pierre Chartrand, (2002). La pratique de la danse traditionnelle, d’hier à aujourd’hui. Cap-aux-Diamants, p. 37.↩
-
Christian Poirier (2004) Le cinéma québecois à la recherche d’une identité : l’imaginaire filmique. Presses de l’Université de Québec, p. 141.↩
-
Gagnon, R. (1992). Le cinéma québécois des vingt dernières années : du collectivisme à l’individualisme. Québec français, (1985), p. 107.↩
-
Philippe Bruneau et Yvon Cuillerier, non crédités.↩
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Frédéric Back utilisera la musique traditionnelle dans d’autres de ses films, Taratata ! notamment.↩
-
Biopics vient de l’anglais biographical pictures.↩
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Céline Cyr. (1998) Dictionnaire biographique du Canada : Louis Cyr. Université Laval/Université de Toronto.↩
-
Des sommités : Claude Méthé, Normand Miron et David Boulanger !↩
-
Pierre Chartrand (2002). La pratique de la danse traditionnelle, d’hier à aujourd’hui. Cap-aux-Diamants, p. 38.↩