Tout d’abord, pourriez-vous nous tracer un court historique du MCC.
L’ancien nom du MCC était le Musée de l’Homme, qui fut fondé par Marius Barbeau, il porta même un autre nom auparavant… Marius Barbeau, qui travaillait pour la Commission géologique du Canada [1] a commencé à faire son travail de recherche comme anthropologue dans les années 1910. C’est donc à partir de ce moment là qu’il commence à s’intéresser au folklore canadien français. Cet intérêt-là lui vient en fait de son travail chez les amérindiens. Suite aux contacts qu’il établit avec ceux-ci, il prend conscience de l’intérêt que peut avoir le folklore canadien français. Sa collection représente encore la plus grande partie des archives du MCC, tant en ce qui regarde la quantité d’heures d’enregistrement que du nombre de manuscrits. Cette collection a donc donné naissance à la Division de folklore, qui est devenue, avec les années, le Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle, pour finalement s’appeler depuis quelques années Études culturelles. Après Barbeau, une autre grande collection touchant les canadiens français au Québec, en Acadie, au Manitoba, fut ajoutée au MCC. Il s’agit de la collection de Carmen Roy, qui a prit la succession de Marius Barbeau dans les années soixante, et qui a travaillé au Musée jusqu’en 1976, pour ensuite prendre sa retraite [2]. La très importante collection de Carmen Roy ne concerne pas uniquement le domaine de la musique traditionnelle, mais bien tout le domaine de l’oralité. Son lieu de recherche privilégié fut la Gaspésie, dont elle était originaire.
Et vous avez donc pris la place de Carmen Roy lors de son départ pour la retraite…
En fait je n’ai pas pris sa place comme chef de division. Il y a eu une bonne dizaine d’années pendant lesquelles plusieurs chefs de division se sont succédés. Paul Carpentier est celui qui fut le plus longtemps en charge de la division. Il avait été engagé comme ethnologue dès la formation du Centre [canadien d’études sur la culture traditionnelle] pour travailler sur le Canada français. Il avait fait ses études à l’Université Laval et avait travaillé avec Marius Barbeau. Ses recherches ont surtout porté sur la culture matérielle et les savoir-faires au Canada français.
Marius Barbeau s’était surtout concentré sur le domaine de la chanson, sans vraiment s’intéresser de près à la musique instrumentale, qu’en est-il de Carmen Roy ?
Elle a fait surtout de la chanson, si on exclut son travail dans le domaine de la littérature orale (légendes et contes), et, à l’occasion, quelques violoneux. En fait la musique instrumentale est toujours restée en marge de tout le reste. Je m’explique cela par le fait qu’il était beaucoup plus facile de transcrire des chansons, d’en trouver l’origine et de faire de la recherche dans ce domaine qui était somme toute beaucoup plus avancé que celui de la musique instrumentale. J’ai été la première à m’intéresser plus exclusivement à la musique instrumentale, et mes collectes n’ont porté que sur cela puisque nos archives étaient très pauvres en musique instrumentale. En 1976 je faisais donc ma première collecte avec Jean Carignan. Par la suite je me suis familiarisée avec le répertoire puisque comme j’avais étudié en France, je connaissais très peu ce domaine-là. En travaillant avec Jean Carignan j’ai plutôt pris connaissance de son répertoire à lui, puisque celui-ci n’était pas vraiment typique du Canada français. Mais je me suis mis un peu plus à jour dans ce répertoire là en travaillant avec Philippe Bruneau, qui avait, et a toujours, une passion pour le répertoire québécois. Entre 1976 et 1980 j’ai aussi ratissé la région de Portneuf, collectant principalement de l’accordéon, mais aussi du violon. C’est plus tard, il y a trois ans en fait, que j’ai travaillé avec Gabriel Labbé. Mes enregistrements ne sont d’ailleurs pas encore catalogués. Je travaille actuellement sur cela, en prévision d’en tirer un disque dans notre collection Archives sonores. Il y a eu très peu de chose de faites en ce qui regarde les archives audiovisuelles ou vidéos touchant à la danse du Canada français. Ça me rappelle tout à coup que Carmen Roy avait fait un tournage vidéo de Jean Carignan, qu’elle avait fait chez elle. Malheureusement il s’agit surtout d’exemples que donne Carignan, de pièces irlandaises, écossaises, et les pièces ne sont pas jouées en entier. Cela a un intérêt moyen bien qu’il soit toujours intéressant de voir Carignan jouer.
Quel est le lien entre le Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle (maintenant appelé Études culturelles) et les archives du MCC ?
Les ethnologues qui travaillent ici produisent des archives vivantes, que ce soit dans la division d’ethnologie qui s’occupe exclusivement des cultures autochtones, ou de nous [la division Études culturelles] qui travaillons sur toutes les autres cultures. Contrairement à la division d’histoire qui travaille exclusivement avec les Archives nationales du Canada. Nous alimentons donc les archives du MCC par nos collectes et recherches.
Les archives du MCC ne sont cependant pas uniquement constituées des collectes des ethnologues du Musée…
Non, il y a quatre divisions de recherche au Musée : archéologie, histoire, ethnologie (uniquement le domaine des autochtones) et nous (Études culturelles)…
J’ai remarqué que dans votre base de données vous classez vos documents dans « ethnologie » et dans « folklore ».
C’est que la division d’ethnologie a pris ce nom là (bien qu’ils ne s’occupent que du domaine des autochtones) et nous avons pris le nom de « folklore » (bien que nous fassions de l’ethnologie auprès des canadiens français, des ukrainiens , chinois, …) pour nous différencier. En fait le folklore est en quelque sorte une spécialité de l’ethnologie et de l’anthropologie. Puis de « folklore » nous nous sommes appelés « Études culturelles » suivant la tendance des années 1990. Nous étions beaucoup identifiés par nos recherches sur les groupes ethniques, alors qu’en réalité nous ne faisons pas uniquement de la recherche sur l’ethnicité, mais aussi sur les traditions anciennes des différents groupes immigrés depuis plus ou moins longtemps au Canada (incluant les peuples fondateurs). Et comme le terme « folklore » a acquis une connotation péjorative à la fin des années ’60, Carmen Roy, en 1970, a changé le nom de la division en Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle. Mais « culture traditionnelle » était également un peu passéiste puisque nous faisons aussi de la recherche sur les cultures populaires et contemporaines des canadiens, ainsi que sur les métiers d’arts, etc, nos recherches dépassent donc largement le domaine de la tradition.
Quels sont les efforts de diffusion du contenu de vos archives ?
Il y a différents moyens utilisés pour la diffusion de nos archives, dont celui de notre site Internet. On y trouve des articles de fond, ainsi que le contenu de nos expositions. Par exemple l’exposition « Résonances, patrimoine musical de la francophonie » est en grande partie présente sur notre site. Il y a aussi les livres de la Collection Mercure qui est surtout consacrée à la diffusion des résultats de recherches. Cette collection, qui avait auparavant un format un peu scolaire (8 1/2 po. X 11 po.), paraît maintenant dans un format de livre plus compact. La série « Archives » (collections de DCs) représente une autre manière de diffuser le contenu de nos archives. Cette collection a commencé il y a 4 ans avec le coffret de 3 DCs sur Jean Carignan [3], matériel qui provenait de ma collection. Nous avons ensuite réalisé un autre DC sur la chanson et la musique ukrainienne de l’Ouest canadien, puis un autre sur la chanson canadienne française à sujet religieux (sous la direction de Lucien Ouellet). Et nous en avons 4 actuellement en préparation : • un double album sur la musique Métis, d’après la collection de Ann Lederman (il s’agit en fait d’une réédition des vinyles produits dans les années ’80) ; • un autre sur la chanson à Terre-Neuve, provenant de la collection Kenneth Peacock [4] ; • il y a également un disque sur Philippe Bruneau sur lequel je travaille actuellement ; • puis il y aura aussi un DC sur Gabriel Labbé, qui est déjà tout enregistré, il ne reste que la documentation à finaliser. Ces 4 productions devraient être prêtes cette année, disons en 2003-2004...
Informations diverses :
Archives du Musée canadien des civilisations : 100, rue Laurier, C.P. 3100, succursale B, Gatineau (Québec) J8X 4H2
Site Internet du Musée canadien des civilisation : www.civilisations.ca
Bibliothèques et archives du Musée : www.civilisations.ca:8001
courriel : biblio@civilisations.ca
tél. : (819) 776-7173
Artefacts : www.civilisations.ca/membrs/collect/csintrof.html