Plusieurs organismes québécois impliqués dans le domaine de la danse traditionnelle recevaient récemment un exemplaire d’un bouquin intitulé : Les danses de nos pères. Gravure - Théorie - Musique. paru aux Éditions Choudens, à Paris. La page couverture ne mentionne pas l’auteur. La deuxième page titre donne cependant plus d’informations : Reconstitution des anciennes danses des XVIIe et XVIIIe siècles, avec gravures, théorie, musique, réglées pour amateurs à l’usage des salons, par Madame Laure Fonta (de l’Opéra).
Bien qu’aucune année d’édition n’apparaisse, la facture générale du livre nous informe assez bien sur l’époque de la publication. Que ce soit par la couverture et la typographie, ou bien les descriptions des danses ou les partitions musicales, tout suggère qu’il s’agit bien d’une édition du tournant du siècle. D’ailleurs, la mention "amateurs à l’usage des Salons" ne ment pas. Ajoutons que Madame Laure Fonta fut une célèbre danseuse de l’Opéra de Paris, institution qu’elle quitta en 1881. C’est aussi elle qui réédita l’Orchésographie de Thoinot Arbeau en 1888 (l’original datant de 1588).
La maison d’éditions Choudens fut incapable de nous fournir l’année d’édition de ce livre, tout au plus nous a-t-elle indiqué qu’il y avait eu deux tirages.
Quant au contenu, il est tout à fait représentatif de l’éclectisme en vogue au XIXe siècle. Tous les airs sont notés pour piano, bien qu’il s’agissent en majorité de mélodies écrites pour d’autres instruments, et composées avant l’invention même du piano. Ainsi retrouve-t-on La Boccane de Lully (1632-1687), un rondeau de Campra (1660-1744), une forlane de Rameau (1683-1764), un menuet de J-J Rousseau (1712-1778), un autre de Haydn (1732-1809), un troisième de Saint-Saëns (1853-1921) etc.
Les deux tiers de ces mélodies sont accompagnées d’une description de la danse correspondante. On ne peut que sourire à la lecture de ces descriptions littéraires de menuet , de rondeau, de rigodon... Il est normal qu’un siècle de recherche en danse ancienne, et surtout les trente dernières années, aient apporté un éclairage tout à fait nouveau sur le sujet. Sans compter l’impact énorme qu’ont eu les rééditions des traités de l’époque (Chorégraphie de Feuillet, Le Maître à Danser de Rameau, etc.). Laure Fonta n’était pas ignorante de ces traités qu’elle a certainement consulté à la bibliothèque de l’Opéra. Les petits diagrammes qui accompagnent ses descriptions en témoignent : ceux-ci sont en fait des simplifications de la notation Beauchamp-Feuillet, dont elle n’a gardé que le tracé des parcours en omettant les pas. Inutile de dire qu’il est plus qu’ardu sinon impossible de reconstituer vraiment un pas de menuet ou un contretemps de gavotte avec ces descriptions, surtout qu’on n’y décrit aucun pas (entendu comme un ensemble moteur se répétant), mais uniquement une suite d’appuis se succédant, de la première mesure à la cinquantième.
L’unique intérêt de ce livre est sans doute de nous informer de l’état de la recherche en danse à la fin du XIXe s. Et aussi de nous rappeler du peu de sérieux attaché à cette discipline encore aujourd’hui, puisqu’il est toujours possible de faire circuler une telle publication sans craindre de faire rire de soi. [1]
Les danses de nos pères. Gravure - Théorie - Musique. par Laure Fonta, Éditions Choudens, Paris, circa 1900, 107 pages.