Le premier volet de cette série donnait un aperçu de la programmation à la Brasserie Frontenac, aux tout débuts de la radiodiffusion. Projetons-nous aujourd’hui dans les années 1930, une époque où je propose de classer le folklore des ondes en deux catégories. Par le biais de l’émission de la Living Room Furniture, cet article va uniquement me permettre de présenter le premier des deux styles identifiés, à savoir celui des « Veillées ». Je réserve l’autre style pour une troisième partie, au prochain bulletin. Comme nous allons le voir, l’émission porte un projet assez apparenté à celui des « Veillées du bon vieux temps » du Monument national. Le premier moment fort de la Living Room Furniture survient à l’automne 1929, alors que l’on retient justement les services du vétéran folkloriste Conrad Gauthier en qualité de maître de cérémonie. Quelques semaines plus tard, le concert de l’avant-veille du Jour de l’An donne lieu à la première présence radio que j’ai notée de Madame Bolduc, la nouvelle grande vedette des disques Starr. Au fil de la décennie 1930, la Living Room Furniture accueille les instrumentistes Isidore Soucy et Donat Lafleur, les comédiens Ovila Légaré et Damase Dubuisson, de même que le chanteur de variétés Albert Marier. Mais ne brûlons pas les étapes. Commençons donc par un mot de notre commanditaire principal.
En préparation à ma thèse, j’ai trouvé environ une dizaine de sources qui nomment l’émission méconnue de la Living Room Furniture. Au milieu des années 1940, le critique radio Jacques Beauchamp écrit qu’« En chantant dans le vivoir » — l’un des noms francisés de la Living Room Furniture — est le programme français le plus populaire des ondes en soirée. Notre critique adopte cependant un ton élitiste et désapprobateur. Il vilipende les relents de salle paroissiale du spectacle, déplore que l’orchestre tapageur joue du boogie-woogie et s’insurge de la platitude des annonces commerciales. C’est dans ces mêmes années que la chanteuse Alys Robi (1980 : 77) regagne le pays : « À mon retour d’Europe, j’appris que l’émission Living Room Furniture battait toutes les cotes d’écoutes, et que Gratien Gélinas, avec Ti-Coq, était l’auteur à la mode. » Ma collègue musicologue Catherine Lefrançois soutient par ailleurs que le jeune chanteur country-western Paul Brunelle figure à deux reprises parmi les gagnants d’un concours Living Room Furniture pendant les années 1940. Plus près de nous, les historiens Gabriel Labbé (1977 : 107), Roger Baulu (1982 : 69) et Robert Thérien (2003 : 207) mentionnent tous à une occasion l’émission. Paul Legendre, un autre pionnier de la critique radio, identifiait en 1947 la Living Room Furniture comme le plus ancien commanditaire encore actif à CKAC. Gilles Renaud, le président du C.A. du Centre Mnémo, soutient pour sa part que la compagnie a commandité diverses émissions du poste CKAC pendant 38 ans. Selon mon calcul, cela signifierait une présence en ondes ininterrompue de 1929 à 1967. Mais que sait-on de plus de la Living Room Furniture et de son rapport au folklore ?
C’est dans l’temps du jour de l’An…
Pour en apprendre davantage sur la compagnie, Gilles Renaud m’a orienté vers les recherches généalogiques de Paul-André Langelier, un neveu de J.-Georges Langelier (1879-1946), directeur-gérant de la Living Room Furniture. Des Langelier sont établis à L’Islet autour de l’an 1700. Fin XIXe siècle, Georges appartient à une famille de cultivateurs assez pauvres. Il a sept frères et deux soeurs. En 1883, la maisonnée s’enracine au village de L’Anse-à-Gilles. Après des études au Collège de l’Islet, Georges travaille un temps pour un magasin de meubles à Saint-Hyacinthe. Le premier commerce Parlor Furniture Manufactures Ltd, dirigé par messieurs Langelier et Roy, ouvre en 1916 à Pointe-aux-Trembles. La manufacture déménage en 1923 au 2566, Sainte-Catherine Est. Inscrite à l’Annuaire Lovell, elle adopte le nom de Living Room Furniture Manufactures Ltd. Donat Langelier, l’un des frères de Georges, fabrique et vend des pianos à Montréal, au coin des rues Sainte-Catherine et Labelle. Le nom de son entreprise est encore aujourd’hui visible sur l’immeuble du magasin Archambault.
L’entrée en ondes de la Living Room Furniture s’effectue le 12 mars 1929. L’émission est retransmise à CKAC tous les lundis soirs, à heure de grande écoute. La courte saison de lancement s’oriente volontiers vers l’opérette et le chant lyrique, interprétés principalement par les voix de Caro Lamoureux et Roméo Mousseau. Il semble qu’Edmond Trudel dirige à ce moment l’orchestre symphonique maison du poste CKAC pour accompagner ce répertoire. À l’automne 1931, il sera remplacé par Giulio Romano et son orchestre « composé uniquement de jeunes filles canadiennes françaises » (!) En fait, c’est toute la stratégie publicitaire de J.-Georges Langelier qui va cibler des valeurs chères aux Canadiens français… et c’est ici qu’entre en jeu le folklore.
La Living Room Furniture recrute pour la première fois les services du folkloriste Conrad Gauthier le 11 novembre 1929, inaugurant par le fait même une collaboration régulière. Il s’agit alors de la première émission de cette série à radiodiffuser des airs traditionnels canadiens-français. Le magasin Archambault concrétise lui aussi en cette période un virage de la musique classique vers la chanson. Rappelons que les billets des « Veillées du bon vieux temps » se vendaient déjà depuis quelques saisons chez notre célèbre détaillant de musique. Au printemps 1930, Conrad Gauthier fait paraître son premier recueil de chansons folkloriques sous le titre « 40 chansons d’autrefois : mélodie et paroles ». Si Archambault n’en est pas l’éditeur, il en est à tout le moins le dépositaire général, comme en témoigne la page titre. Une publicité paraît aussi dans le bulletin « Entre nous » d’Archambault.
Le programme de La Presse du 22 septembre 1930 révèle qu’Henri Miro aurait composé une Marche originale pour le thème de l’émission Living Room Furniture. Dans un recueil chansonnier de la compagnie, on adopte plutôt un timbre sur l’air « Youpe, youpe sur la rivière » comme prétexte à une publicité. Celui-ci est signé « DARNOC », ce qui laisse peu de doute sur la filiation à Conrad Gauthier (partition p.7).
Il faut effectuer ici un léger retour dans le temps pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Le 6 décembre 1929, alors que la crise économique vient tout juste de frapper le monde occidental, Madame Bolduc enregistre avec grand succès chez Starr les chansons « La Cuisinière » et « Johnny Monfarleau ». Trois semaines plus tard, le 30 décembre 1929, on la retrouve pour la toute première fois à CKAC, à l’occasion d’un concert du Jour de l’An de la Living Room Furniture. Elle s’exécute en compagnie du maître de cérémonie Conrad Gauthier, de l’accordéoniste Joseph Latour, du chanteur populaire J.-E. Michaud et du pianiste René Delisle. Au programme, du violon, de l’accordéon, de la musique à bouche, une récitation en parler populaire et des chansons du pays : « On est Canayen ou ben on n’l’est pas », « L’Habitant canadien », « Jonas dans la baleine », « Dans le bon vieux temps » et l’air bien connu « Le Jour de l’An », que Madame Bolduc enregistrera sur disque seulement dix mois plus tard — sa discographie intégrale se trouve en ligne, sur le « Site Mary Travers dite “La Bolduc” » du Musée de Newport, en Gaspésie. Devant le succès de telle entreprise, les mêmes musiciens reviennent à la Living Room Furniture le 20 janvier 1930.
Ce jour-là, le journal La Presse écrit : « [La Living Room Furniture] a obtenu tant de succès et provoqué tant d’appréciations élogieuses l’avant-veille du Jour de l’An. Les Canadiens, qui ont le culte du souvenir, aiment se rappeler le bon vieux temps et les amusements favoris de nos ancêtres. Aussi, est-ce avec plaisir qu’ils entendent des joyeux refrains de jadis, les vieilles gigues d’autrefois jouées avec un entrain inimitable par les violoneux. »
Ce beau succès est en soi une explication possible à l’association toujours récurrente entre la musique « trad » québécoise et les réjouissances du temps des Fêtes. Pour Madame Bolduc, toutefois, le triomphe radio sera de courte durée. L’histoire retient plutôt que la célèbre turluteuse de reels paraissait rarement en ondes, boudée qu’elle était des décideurs en place. Fernande Bolduc, sa fille cadette aujourd’hui âgée de 88 ans, me décrivait l’an dernier une réalité amère. Selon elle, sa mère s’était fait promettre deux contrats par les trois propriétaires de la Living Room Furniture — messieurs J.-Georges Langelier (directeur- gérant), J.-Napoléon Langelier (président) et le docteur Georges Lonergan (vice-président), dont les photos et titres paraissent dans l’un des "Chansonnier Living Room" conservés à la BAnQ —, pour un cachet total de 150 $. Mary Travers reçut un premier montant de 75 $, mais elle ne vit jamais la couleur du reste de l’argent promis. Cela cache-t-il une sombre escroquerie ou même un acte de misogynie ? En pleine crise économique, il s’agissait certes d’une rondelette somme d’argent pour une famille ouvrière de Montréal. Si des lecteurs du Bulletin Mnémo en savaient davantage sur ces familles Langelier et Lonergan, je suis toujours curieux…
Quand la radio nous fait une scène
Lorsqu’ils arrivent en ondes à la Living Room Furniture en 1930, Isidore Soucy et Donat Lafleur ont déjà gravé de nombreux disques chez Starr et Victor. Les enregistrements sont aujourd’hui en libre accès en ligne, sur le Gramophone virtuel. C’est en suivant leur parcours à la trace que l’on observe, à l’hiver de 1931, qu’une forme de convergence s’installe entre CKAC et le Monument national. En effet, à partir de ce moment, quelques dates d’émissions de la Living Room Furniture vont coïncider parfaitement avec celles des « Veillées du bon vieux temps » de Conrad Gauthier. J’en conclus tout bonnement que l’on radiodiffusait une partie de l’émission directement du Monument national. L’une des trop rares critiques de ces spectacles paraît le lendemain d’une Veillée de février 1931. Il s’agit là, selon toute vraisemblance, du premier programme de scène à être retransmis en direct à l’émission Living Room Furniture : « Le plus bel éloge du succès d’hier soir a été ce bruit sourd, mais combien touchant, tel un grondement d’orage, fait par les accompagnements des semelles de la foule, où juges, députés, échevins, curés, avocats et bourgeois connus unissaient leurs sensations à celles des « gigues » de Madame Édouard Bolduc et de ses épatants compagnons. » (La Presse, 17 février 1931)
Entre cette date et octobre 1934, j’ai compilé sept autres cas qui laissent croire à une participation simultanée d’Isidore Soucy et de Donat Lafleur aux concerts Living Room Furniture à CKAC et aux Veillées du Monument national. Les sketches qui servent de trame de fond à ces soirées sont de nature à évoquer le doux parfum du terroir d’antan chez les citadins montréalais : « La Mascarade manquée », « Un Bi chez Théophile », « Les Visites du jour de l’An », « Le Lundi gras », « La Grand’ demande », « Une revue du bon vieux temps » et « Maria Chapdelaine ».
Quelques affiches glanées dans le Fonds Madame Bolduc du Musée de la Gaspésie, à Gaspé, confirment par ailleurs qu’Isidore Soucy et Donat Lafleur participent occasionnellement aux tournées de la troupe de variétés de Madame Bolduc. Cela corrobore les dires du biographe David Lonergan (1992 : 132). Le 26 janvier 1939, lors de la toute dernière des apparitions radiophoniques que j’ai relevées, Madame Bolduc est à son tour l’invitée du Trio Soucy-Lafleur.
Isidore Soucy et Donat Lafleur participent dans les années 1930 à plusieurs autres « Veillées du bon vieux temps » de Conrad Gauthier qui ne tombent pas le même jour que la Living Room Furniture. Plusieurs émissions de la série du magasin de meubles canadien-français présentent aussi un répertoire apparenté à celui d’Isidore Soucy et de Donat Lafleur, mais sans que le nom des instrumentistes ne soit identifié au-delà d’une mention d’un « Orchestre Living Room » ou d’un « Ensemble Musical Radio ». Le seul orchestre folklorique de la série auquel on peut sans équivoque associer Isidore Soucy et Donat Lafleur est le « Quintette Living Room Furniture ». Leur répertoire se compose de reels et de gigues, de parties de quadrille et de set carrés, de quelques marches, valses, galopes et cotillons du bon vieux temps. Leurs morceaux les plus fréquents en ondes sont le « Reel Témiscamingue », le « Chicken Reel », le « Money Musk », une « Partie de quadrille » et une « Gigue de campagne ». Cet orchestre folklorique est contemporain, sinon précurseur, des ensembles instrumentaux traditionnels des Montagnards laurentiens, d’Ovila Légaré et les diables rouges, de Tommy Duchesne et ses chevaliers du folklore. Ce sont des pionniers, bien avant La Bottine souriante et les groupes trads québécois d’aujourd’hui.
On voit à quel point le modèle d’affaires de la Living Room Furniture est semblable à celui des « Veillées du bon vieux temps », avec sketches, danses et chansons folkloriques sur une même scène. La chanson « Les Fraises et les framboises », le premier des grands succès de La Famille Soucy, s’avérait fréquente à la Living Room Furniture à la fin des années 1930. Le simple nom du groupe pourrait bien être un emprunt aux personnages de la Famille Sarrazin, des comédiens folkloristes associés à la Living Room Furniture entre 1931 et 1937. Il va maintenant en être question.
La Famille Sarrazin de L’Anse-à-Gilles
On l’oublie souvent, mais les grands folkloristes du Québec consacrent une partie importante de leurs activités au théâtre et aux séries dramatiques. Conrad Gauthier, qui a sa troupe de comédiens aux « Veillées du bon vieux temps », fondait le Cercle du Drapeau dès 1902. Ovila Légaré aura aussi sa troupe à lui avant de tenir le rôle titre dans « Le Curé du village » et d’écrire les sketches de Nazaire et Barnabé. Madame Bolduc évolue quant à elle à Montréal dans le réseau burlesque du Théâtre National, avec La Poune, Juliette Béliveau, Olivier Guimond et Raoul Léry, entre autres. Ce sont ces même gens qui constitueront le noyau de sa troupe itinérante.
Cette orientation dramatique autour de la chanson de folklore prend un nouvel élan après 1930. Les émissions de CKAC qui précèdent de quelques jours les « Veillées du bon vieux temps » de Conrad Gauthier au Monument national accordent désormais plus de place aux comédiens qu’aux musiciens traditionnels. En octobre 1931, c’est le début des dramatiques radiophoniques avec la série « Au coin du feu » de Robert Choquette (Legris 1977 : 2011). Ce lancement coïncide à quelques jours près avec l’arrivée à la Living Room Furniture de la Famille Sarrazin, une galerie de personnages incarnant les veillées de « bonnes vieilles chansons, danses et contes de jadis » d’une famille canadienne-française établie dans le village de L’Anse-à-Gilles. Cette mise en scène à saveur de terroir sert de toile de fond à la Living Room Furniture jusqu’au printemps de 1937.
La saison 1931-1932 de la Famille Sarrazin à la Living Room Furniture permet aux auditeurs de se familiariser avec les personnages de Rosine, Nicolas, Cousin Hercule et Antoine. À cela se greffent un quintette vocal et le Trio Soucy-Lafleur pour la musique de danse traditionnelle. Le détail des programmes n’est malheureusement pas toujours publié. Pour la saison 1932-1933, on fait connaissance avec le Cousin Marcel, l’Oncle Nazaire, la Tante Mélanie et le Comte Rex de Chesterfield — ce dernier nom de famille est un modèle de meubles capitonnés vendus au magasin Living Room Furniture ! En 1933-1934 se joignent à l’émission les personnages de chanteurs du Père Tranchemontagne — joué par Damase Dubuisson — et du Vieux voyageur — joué par Ovila Légaré. Un document retrouvé dans le Fonds Madame Bolduc du Musée de la Gaspésie permet d’esquisser un lien entre le Père Tranchemontagne de la Living Room Furniture et une tournée du printemps 1934 de la troupe burlesque de Mary Travers. Damase Dubuisson et Ovila Légaré sont par ailleurs tous deux comédiens dans « Le Curé du village » à compter de 1935 (Legris 1977 : 53).
Quant à L’Anse-à-Gilles, il s’agit d’une vraie localité située entre Montmagny et La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent. Dans la littérature québécoise, le village est associé à la pièce de théâtre « C’était avant la guerre à L’Anse-à-Gilles » de Marie Laberge, dont l’action se déroule en 1936. Lorsqu’on relit la pièce, il apparaît plausible que la Famille Sarrazin ait servi d’inspiration à l’auteure, du moins pour cadrer le décor de l’oeuvre. Pour les Langelier et la Living Room Furniture, toutefois, le village L’Anse-à-Gilles est évidemment celui de leur enfance.
Les propriétaires de la Living Room Furniture exploitent volontiers les personnages de la Famille Sarrazin afin de valoriser l’identité canadienne-française. Au gré des saisons, des émissions ont pour thème des grandes fêtes du calendrier — surtout le Jour de l’An, la Saint-Patrick, la Mi-carême, Pâques, les Sucres, la Saint-Jean-Baptiste, l’Armistice et Noël —, des lieux du territoire du Québec — la région de Montréal, Trois-Rivières, Shawinigan-Falls, Sherbrooke, Hull, Jonquière, mais aussi Victoriaville, Saint-Hyacinthe, Valleyfield, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Saint-Denis le « théâtre des événements de 1837 », Grand-Mère, Saint-Jérôme, Maniwaki, Nicolet, Magog, Granby, Thetford-les-Mines, Rivière-du-Loup, Matane et bien d’autres —, ainsi que des membres de la famille, de la communauté et des travailleurs — les jeunes mariés, les bébés, les grands-mamans, les pompiers, les paysans, les militaires, le clergé, etc. On croirait être en train de lire aujourd’hui sur les familles souches avec « Le Québec, une histoire de famille » dans les publications de Québécor, ou encore, d’écouter La « Petite séduction » à Radio-Canada !
L’Ouverture à la chansonnette française et aux variétés
Le commanditaire, il est vrai, a toujours un pouvoir sur l’orientation du contenu des émissions. En recrutant Conrad Gauthier à l’automne 1929, la Living Room Furniture se bâtit un solide créneau folklorique, mais sans exclure d’autres musiques de variétés. Le chanteur Albert Marier est un bel exemple. Dans les années 1930, l’artiste est une grande vedette des disques Starr, pour lesquels il n’enregistre pas moins de 170 chansons. Il collabore épisodiquement à la Living Room Furniture à l’automne de 1931, puis devient maître de cérémonie en compagnie de la Famille Sarrazin en 1935-1936. Il est de nouveau reçu en ondes pour une dizaine d’émissions en 1938-1939.
À partir de 1934, la Famille Sarrazin favorise davantage la diffusion de chansonnettes de France tout en conservant son image folklorique bien canadienne-française. Les titres de chansons avec le mot « Paris » ou ceux rendus célèbres par Tino Rossi deviennent ainsi nettement plus fréquents. Il faut vraisemblablement voir dans ce changement de cap une façon de contrecarrer la compétition du poste CHLP, propriété du journal La Patrie, qui fait la part belle à la chanson de France. Une recherche plus approfondie serait toutefois nécessaire pour développer cette idée.
La Living Room Furniture embrasse aussi la chanson latine à compter de la saison 1936-1937, avant les débuts sur disque d’Alys Robi. Les programmes se mettent alors à multiplier le tango et le « tango-fox-trot », la rumba et la rumba des Caraïbes, le paso doble, le paso doble flamenco et un « pas redoublé » qui n’a en apparence rien à voir avec la gigue québécoise. Des airs connus comme « La Paloma » et « La Cucaracha » sont de même occasionnellement diffusés à l’antenne. Comme on l’a vu en introduction, la Living Room Furniture s’ouvre dans les années 1940 à la chanson country-western. Tout cet univers demeure relativement en marge des chants de folklore que je qualifie de « Lyriques », triés sur le volet pour l’émission radiophonique « L’Heure provinciale ». Ce sera l’objet d’un tout autre texte au prochain bulletin.
Bibliographie
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Thérien, Robert. 2003. « L’Histoire de l’enregistrement sonore au Québec et dans le monde, 1878-1950. » Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.
*Témoignage et notes inédites de Gilles Renaud, président du C.A. au Centre Mnémo
*Grilles radiophoniques quotidiennes de La Presse (1922-1939)
*Recueils chansonniers de la Living Room Furniture, Collections numériques, BAnQ
*Périodique Le Canada qui chante, Collections numériques, BAnQ
*Fonds Madame Bolduc, Musée de la Gaspésie, Gaspé